Aleca : comment aboutir à un accord équitable ?
septembre 2017

Le flou persiste encore sur l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) et tous les indices laissent à penser que les choses n’avancent pas notamment en ce qui concerne la valeur ajoutée du dit accord à l’économie tunisienne, qui faut-il encore le rappeler ne passe pas par ses plus beaux jours. D’ailleurs, la société civile tunisienne demeure bel et bien sensible à la problématique. L’ONG Solidar Tunisie a organisé samedi un déjeuner débat intitulé « Aleca UE/Tunisie : pour un accord progressiste », afin de mieux creuser la question et interpeller les différents intervenants dans le domaine.

Sans vouloir prétendre détenir toute la vérité, l`ambassadeur de l`Union européenne, Patrice Bergamini, invité au déjeuner-débat, n`a pas manqué de présenter sa vision de l`Aleca tout en précisant que la Tunisie est un pays souverain et indépendant. Ainsi les arguments présentés par l`ambassadeur sont de nature à interpeller les observateurs de la scène économique. Premier point d`interrogation, d`après l`ambassadeur, depuis le mois d`octobre dernier, un seul round de négociation a été organisé à Bruxelles et une autre rencontre dirigée par des responsables européens pour rencontrer les représentants de la société civile tunisienne. D`après lui, la partie tunisienne est hésitante.

Dans le même cadre, l`ambassadeur a dévoilé qu`un haut responsable viendra de Bruxelles, en Tunisie, au mois d`octobre prochain pour faire le point sur l`avancement des négociations. C`est aussi une question de temps pour lui. Et de dire qu`il ne veut pas arriver à une situation où il se trouverait obliger de dire « à mes amis les Tunisiens » que le temps est passé. Pour lui, il n`est pas possible de rester dans le flou :  soit l`Accord n`est pas adéquat, soit il n`est pas bon et il faut le revoir.

Dans la même approche, il s`est interrogé sur la logique de demander une évaluation de l`accord de 1995 quand on sait que plusieurs études ont montré que l`accord de 1995 a permis de booster les investissements de 187%. Pour lui, il est inutile d`évaluer l`accord surtout que les choses ont changé en Tunisie et dans l`Union européenne depuis cette date. « La Tunisie est la première qui a entamé les négociations avec l`Union européenne sur l`Aleca, dans la région du Maghreb et a reçu de l`Union européenne trois fois plus de dons que l`Egypte », indique-t-il.

L`intervenant a considéré que, contrairement à ce qu`il entend souvent lors des rencontres et des entretiens, l`approche qui consiste à accorder plus de visas dans le cadre de l`Aleca est loin d`être la meilleure. A cet égard, il a affirmé que les personnes qui travaillent sur les dossiers des visas ne sont pas les mêmes qui travaillent sur le dossier de l`Aleca et s`ajoute à cela que la situation sécuritaire de la Tunisie et de l`Union européenne n`est pas la même.

Revenant sur les relations entre la Tunisie et l`Union européenne, M. Bergamini a rappelé que l`Union européenne est le premier partenaire économique de la Tunisie. L`Union européenne a doublé ses aides à la Tunisie, raison pour laquelle l`absence de l`Aleca ne pourrait pas profiter à l`Union européenne d`après lui.  L`intervenant a indiqué qu`en cas d`échec des négociations de l`Aleca, les entreprises tunisiennes vont perdre plusieurs avantages et opportunités et de considérer que l`échec de l`Aleca va profiter à d`autres pays comme la Chine et la Turquie.

Un accord fondamental pour la Tunisie qui lui permettrait de redresser son économie. C`est ainsi que Gilles Pargneaux, coordinateur de la délégation du parlement européen à l`Assemblée parlementaire de l`Union pour la Méditerranée a qualifié l`Aleca.  Pour lui, il ne s`agit pas uniquement d`un accord commercial, mais d`un accord politique « qui pourrait contribuer à la stabilisation du parcours démocratique en Tunisie. » Afin que l`accord soit efficace et profite à tous les intervenants, il doit être asymétrique et progressif pour aider notamment les PME.

Lors de son intervention, Pier Antonio Panzeri, président de la sous-commission au Parlement européen « Droits de l`Homme » a mis en garde contre les répercussions de l`Aleca sur les droits socio-économiques et les PME. À cet égard, il a indiqué que l`Aleca ne doit pas engendrer des répercussions négatives sur les droits et les PME. L`évènement était, aussi, l`occasion de présenter les résultats de l`étude intitulée: « Le secteur des TIC et Aleca : état des lieux vs attentes du secteur. »  Présenté par la professeur universitaire et l`économiste Fatma Marrakchi Charfi, il en ressort que l`Aleca présente plusieurs menaces pour le secteur des TIC.  Pour l`économiste, l`Aleca rime avec la disparition des petites entreprises opérant dans le secteur des TIC, à cause de la concurrence avec des firmes internationales.

Pour elle, les longues procédures pour l`obtention du visa ne permettront pas facilement aux entreprises tunisiennes d`agir sur le marché européen. La contribution européenne à la formation des informaticiens tunisiens qui s`exportent pour la plupart en Europe, des aides financières européennes pour la Tunisie pour augmenter la capacité de formation des écoles d`ingénieurs, la suppression des problèmes de change, l`octroi de visas avec permis de travail à tous les travailleurs des sociétés TIC pour quatre ans sont, entre autres, les solutions recommandées par l`économiste, afin de rééquilibrer l`accord et donner plus de chances aux entreprises tunisiennes.

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